GÉRER PAR LES CONSÉQUENCES : L’ART OUBLIÉ DU MANAGEMENT TRANSFORMATEUR

« Entre le stimulus et la réponse, il y a un espace. Dans cet espace réside notre pouvoir de choisir notre réponse. Et dans notre réponse résident notre croissance et notre liberté. »
— Viktor E. Frankl

GÉRER PAR LES CONSÉQUENCES : L’ART OUBLIÉ DU MANAGEMENT TRANSFORMATEUR

Il y a des moments, dans la vie d’un manager, où la répétition ne suffit plus. Où rappeler les règles ne sert à rien. Où la bienveillance glisse comme de l’eau sur une vitre embuée. Ce n’est pas que la personne en face est mauvaise. C’est juste qu’elle ne voit pas. Elle ne perçoit pas l’impact réel de son comportement. Et tant que ce n’est pas visible… rien ne changera.

C’est là qu’intervient une compétence managériale puissante, mais peu enseignée : gérer par les conséquences.

L’illusion du rappel à l’ordre

Un collaborateur arrive régulièrement en retard. Il est bon dans son travail, il ne traîne pas, il est sympa. Vous lui faites une remarque. Il hoche la tête, s’excuse vaguement… et recommence. Pourquoi ? Parce que pour lui, ce n’est pas un problème. Il ne voit pas ce que ça génère. Il ne ressent aucune conséquence.

Le manager classique va soit répéter, soit s’agacer, soit abandonner. Le manager « Ethique » fait autrement : il met en scène la conséquence, il matérialise l’impact, il déclenche la prise de conscience.

Le levier de la réalité : faire parler le décor

Prenez Coralie, directrice de restaurant. Elle découvre un matin une cuisine en désordre : lavette sale, morceaux de viande, barquettes de beurre. Son commis, Pierre, arrive enjoué : “On a eu un gros service hier, c’était chaud !” Il devance les critiques, les dilue.

Coralie ne répond pas frontalement. Elle l’invite à visiter la cuisine avec elle. Puis elle lui propose un jeu : “Imagine que ce n’est pas moi, mais l’inspecteur des services vétérinaires, qui ouvre la porte.” Et c’est Pierre qui déroule lui-même la liste des conséquences : hygiène, chaîne du froid, amende… licenciement ?

Ce qu’elle fait là est magistral : elle ne punit pas, elle révèle. Et une fois l’impact vu, elle l’ouvre vers l’avenir : “Qu’est-ce qu’on peut faire pour que ça ne se reproduise pas ?”

Le triangle magique : responsabilité – autonomie – accompagnement

Un comportement ne change que si la responsabilité est assignée, l’autonomie progressive, et l’accompagnement présent. Rémi, un adolescent suivi pour manque d’implication, illustre parfaitement cela. On lui donne une tâche minuscule : acheter le pain. Pas les garçons. Pas “quelqu’un”. Lui.

Au début, il rechigne. Puis il accepte. Et trois mois plus tard, il arrive au cabinet en souriant : “Le pain, c’est moi !”

Ce n’est pas la taille de la tâche qui compte. C’est la clarté du périmètre et la solidité du lien de confiance. En entreprise, c’est pareil. Fixer une responsabilité à 100 %, adapter l’autonomie, suivre le plan d’action. Et petit à petit, l’habitude devient fierté.

Attention aux pollueurs : les fausses aides qui détruisent

Dans certaines équipes, un malaise s’installe. Des tensions surgissent sans raison. Deux collègues ne se parlent plus. Et derrière, toujours*[1], un “pollueur” : celui qui glisse des petites phrases perfides, sous couvert d’amitié.

“Fais gaffe à Claire… Elle a dit un truc bizarre sur toi.”
“Tu sais, moi je te le dis parce que je t’apprécie.”

Ces gens-là ne sont pas toujours conscients de leur toxicité. Mais leur comportement est destructeur. Et il faut les démasquer en direct. Ne jamais dire : “Je vais lui en parler.” Non : faites venir la personne immédiatement dans le bureau. Confrontez. Et vous verrez : le masque tombe. La peur change de camp. L’équipe respire.

Une méthode simple… à incarner

Le protocole de gestion par les conséquences n’est pas un outil. C’est une posture. Vous écoutez sans juger. Vous reformulez sans dramatiser. Vous explorez les impacts. Vous co-construisez la solution. Puis vous suivez l’engagement.

Ce n’est pas de la “soft attitude”. C’est de l’exigence respectueuse. Et surtout, c’est une confiance : celle que l’autre est capable de faire mieux, s’il voit mieux.

Pour conclure

Un bon manager ne se contente pas de réagir. Il éclaire. Il rend les choses visibles. Et dans cette lumière, l’autre devient acteur.

Alors si, cette semaine, vous êtes face à un comportement qui ne vous convient pas, posez-vous cette question simple :
“Est-ce que cette personne a vraiment vu les conséquences de ce qu’elle fait ?”
Si la réponse est non… vous savez quoi faire.

 

[1] Derrière tout conflit qui éclate et persiste, vous trouverez en faisant une enquête approfondie une tierce partie. Quelqu’un qui dans l’ombre tire les ficelle et qui n’est pas visible dans l’équation relationnelle.

 

 

« Tout peut être enlevé à un homme, sauf une chose : la dernière des libertés humaines — celle de choisir son attitude face à n’importe quelle circonstance, de choisir sa propre voie. Même dans les situations les plus difficiles, l’homme conserve sa capacité à se décider. »


Viktor Frankl,

« Découvrir un sens à sa vie »)

psychologue humaniste